Lors des Championnats du Monde de Raffa-Volo disputés à Mersin (Turquie) du 1er au 5 novembre 2022, tu as participé à 3 épreuves (simple, double masculin et tir de précision) qui se sont déroulées en simultanée, est-ce difficile de passer d’une épreuve à l’autre ?
Je n’ai pas ressenti de difficultés particulières à jongler entre les épreuves. J’étais engagé en simple, double et tir de précision, ces 3 épreuves sont très complémentaires. Il existait une légère appréhension sur la dimension physique de pouvoir allier ces 3 épreuves durant toute la semaine. La programmation a fait que j’avais du temps entre les épreuves. Je débutais généralement mes journées en simple, puis en fin de matinée en double, pour terminer sur un passage en tir de précision en fin de journée. Le degré de concentration est donc resté à son maximum pour chacune de mes parties.
Physiquement j’étais vraiment très bien préparé comparé à d’autres compétitions auparavant, cela m’a permis de hausser mon niveau de jeu, ou du moins de connaître beaucoup moins de moments délicats. En double, j’avais également la chance d’occuper la position de tireur avec Eddy. Cela m’a permis entre guillemets de me conforter dans mes bonnes sensations. Ces sensations qui dès les premières sessions d’entraînement se sont avérées extrêmement bonnes sur les terrains un peu difficiles de Mersin. Ces terrains me correspondaient bien et cela s’est vu durant la semaine.
En double, avec Eddy Rouault, dans une poule difficile, vous avez perdu 2 rencontres serrées qui ne vous ont pas permis de sortir des poules. Quel ressenti as-tu sur cette compétition ?
En double nous avons connu des mésaventures assez rapides. Cette poule était très homogène, poule à laquelle on ajoute l’Italie, donc avec seulement 2 qualifiés cela ne laissait aucune marge d’erreur. Après la défaite face à la Croatie, nous n’avions plus notre destin entre les mains. Malgré cette poule homogène, nous avions les qualités nécessaires pour nous imposer mais nous avons manqué tous les deux de consistance dans le jeu. Nos parties ressemblent à ce que l’on produisait les années précédentes, on a beaucoup subi sans pouvoir prendre l’ascendant sur nos adversaires. Il y a donc un peu de frustration quant au résultat final surtout lorsque l’on observe la suite de la compétition. La Libye avec qui nous faisons largement jeu égal se retrouve à jouer une place en finale avec le double Algérien en 1/2 finale, une opportunité incroyable pour nous au vu du tableau.
En simple, tu as très bien commencé avec 4 victoires en groupe pour terminer premier. En quart de finale, tu n’es pas heureux avec le tirage qui t’oppose à l’italien, futur champion du monde, qui s’était incliné en poules contre le brésilien, futur finaliste. Comment as-tu abordé cette rencontre ?
Finir premier de sa poule en Championnat du Monde était clairement l’objectif escompté car dès le tirage au sort nous avions repéré devoir croiser avec la poule de l’Italie. C’était chose faite assez rapidement avec la victoire contre l’Autriche et San Marin. De l’autre côté, Viscusi enregistrait une défaite et terminait second de sa poule.
C’était tout d’abord une petite déception de terminer 1er et devoir quand même affronter l’Italie. Mais ensuite avec le staff technique nous avons pris le côté positif des choses en se disant que s’il avait été battu une fois en poule, c’était possible de le faire tomber à nouveau. Avec le coach et le DTN, nous avions analysé les performances italiennes. Le pari était de prendre des risques, de le forcer à faire des erreurs en étant offensif et agressif. Nous avions mis ensemble en place une stratégie de jeu afin de contrer la tactique italienne. La partie montrera que les choix faits ont été bons mais il m’a cependant manqué une boule assez souvent. J’ai joué uniquement 3 boules sur 4 durant plusieurs mènes, contre l’Italie cela n’est pas suffisant.
Le tir de précision était une nouvelle épreuve au programme des championnats du monde. Vous n’aviez pas de repères sur les scores à réaliser, même si lors du stage préparatoire, nous pensions que 2 passages à 20-25 points devraient permettre une qualification en ¼ de finale. Finalement, tu réalises 2 fois 20 points (sur 40 possible) et tu finis 3ème. Comment as-tu vécu cette phase qualificative, qui était un peu une inconnue ?
Nouvelle épreuve, aucun repère, cela est très bien résumé. J’aborde le tir de précision dans la première session de joueurs. Je réalise 20 points (qui était l’objectif) et ensuite ce fut une longue attente des autres sessions afin de situer la performance parmi les 22 joueurs engagés. Au soir du premier passage, lorsque nous faisons le point, je me situe à la 5ème place derrière des nations fortes de la Raffa. Il est clair que la barre des 20 points sera nécessaire le lendemain pour se qualifier.
Je réalise à nouveau 20 points en première session. Avec le staff nous sortons les calculatrices et avec un total de 40 points je doublais déjà 2 de mes concurrents de la veille (Turquie et Brésil). La qualification était donc acquise, ne restait plus qu’à attendre la fin des passages pour déterminer mon adversaire en 1/4 de finale.
En ¼ de finale, tu réalises le meilleur score de la compétition avec 26 points face au brésilien qui effectue avec 20 points le 2ème score de ces ¼. Comment as-tu géré cette première opposition directe et qu’as-tu ressenti au moment où tu frappes la dernière boule qui t’assure la victoire et la première médaille française dans un Championnat du Monde pour la Raffa-Volo ?
Avec Mickael mon coach, nous en avions longuement parlé la veille au soir. Nous savions tous les deux que le Brésilien était redoutable. La stratégie était d’être devant lui avant les 4 dernières cibles (car plus difficiles et surtout favorables le Brésilien adepte du tir à Volo). Mickael insistait sur le fait qu’il fallait que je prenne du plaisir avant tout dans ce nouveau format de compétition. L’enjeu d’une première médaille internationale a rapidement écarté tout plaisir au final. Cela m’a plongé dans une grande concentration mais aussi un haut niveau de stress que j’ai réussi à bien appréhender.
L’opposition directe est un mode de jeu que j’affectionne particulièrement. On est au coude à coude sur l’ensemble des premières cibles. Avant le dernier tapis à la plus longue distance j’enregistre un peu d’avance mais rien n’est encore fait (20-14). Les 3 pallino sont difficiles et nous enregistrons 3 échecs chacun. L’objectif de la dernière cible est clair, si je l’ai je passe en 1/2 finale. Chose faite, beaucoup de fair-play avec mon adversaire mais une joie intérieure qui était synonyme de première médaille française en Raffa à l’international.
La ½ finale face au suisse est plus difficile. Tu ne réalises pas un très bon tir, mais dans ces oppositions, l’essentiel est de s’imposer. J’imagine un soulagement et une grande joie de se qualifier pour la finale.
Une 1/2 finale d’un niveau très médiocre. Nous nous entraînons ensemble comme à l’accoutumée avant le début de la 1/2 finale. Le Suisse réalise une session d’entraînement incroyable avec aucun échec. Le tirage au sort fait que je tire en deuxième derrière lui. J’avais pour habitude jusque là de démarrer le tir en première position. Cela m’a joué des tours car je calquais ma performance sur celle de mon adversaire au lieu de me concentrer sur ma propre performance.
Le Suisse enchaîne les échecs et moi je prends une légère avance rapidement 4-0. Cette avance est trop maigre mais je la conserve jusqu’à l’avant dernière cible où le Suisse égalise. A ce moment je frappe la même cible que lui pour mener 8-4 avant la dernière cible qui vaut 6 points. J’étais débordé par le stress auquel je devais faire face pour ma première 1/2 finale Mondiale. Chaque cible que j’avais l’occasion de frapper était des boules de gagne… Lorsqu’il échoue à nouveau sur cette dernière cible je peine à réaliser que j’atteins la finale du Championnat du Monde.
En finale, face au marocain, tu prends un départ un peu meilleur que ton adversaire et tu conserves l’avantage jusqu’au bout, étant Champion du Monde avant ton dernier tir. Comment as-tu vécu cette finale ?
L’espace temps entre la 1/2 finale et la finale fut très court (environ 45 min). J’ai juste eu le temps de faire un retour à mes proches, de manger un petit bout et plutôt surpris de l’appel au micro pour dire que la finale allait débuter. Cela fut si rapide que je n’ai même pas eu le temps de penser forcément à quelconque stress ou enjeu de cette finale. Cela s’est fait assez naturellement.
Le joueur marocain est un joueur de Sport Boules. Il tirait donc toutes les cibles à Volo. Nous l’avions longuement observé durant 3 jours. J’avais donc un avantage psychologique, il a été à nouveau décidé qu’il fallait absolument que je sois devant avant le dernier tapis. J’enregistre rapidement de l’avance et avec le staff technique nous sommes plutôt confiants. Je conserve mon avance plutôt confortable jusqu’aux dernières cibles, la dose d’adrénaline fut moins importante qu’en 1/2 finale durant les cibles.
Je peine à croire tout de même que s’il rate sa dernière cible je suis Champion du Monde, chose faite. L’explosion de joie fut modérée du fait de la finale précision féminine juste à côté qui n’était pas terminée mais beaucoup d’émotions arrivèrent très rapidement. Quelle immense joie d’être Champion du Monde, qui plus est le premier français et le premier en précision.
Dans les autres épreuves, notamment en double féminin avec Meriem Tahraoui et Mireille Milleron qui s’inclinent en ¼ de finale et en double mixte avec Eddy Rouault et Mireille Milleron qui remportent la médaille de bronze en s’inclinant les deux fois face aux italiens dans une partie beaucoup plus serrée en double mixte, les français ont obtenu de bons résultats. Les bonnes performances des uns et des autres ont-ils tiré l’équipe vers le haut ? Comment as-tu suivi et vécu ces résultats ?
Tout d’abord, ces bons résultats sont dus à une meilleure préparation des joueurs avant cette échéance, et pour cela je remercie le staff technique de la Fédération Française de Sport Boules pour les choses mises en place en amont de la compétition. Cela a porté ses fruits.
J’ai suivi l’ensemble des parties de l’équipe de France de Raffa, parfois en tribune, parfois au plus proche sur le banc des officiels pour accompagner les joueurs lorsque le programme le permettait et que l’horaire restait raisonnable afin de préserver un niveau de fatigue et de récupération correct au vu de certains horaires très tardifs.
Je pense que les premiers jours avec de bons résultats ont mis en confiance le groupe. Nous nous sommes étonnés de finir la première journée de compétition en enregistrant que des victoires, c’était la première fois que nous rentrions à l’hôtel le premier soir invaincus. Cet enchaînement a permis d’aborder dans de bonnes conditions les échéances plus importantes de la semaine. Donc en effet les bonnes performances des uns et des autres ont engendré une dynamique positive au sein du groupe.
La clé de la réussite dans le sport y compris le Sport Boules est la cohésion de groupe. Avec les joueurs de Sport Boules c’est quelque chose qui s’est ressenti durant la semaine et cela s’est avéré très positif.
Pour la première fois, les championnats du Monde de Sport- Boules et de Raffa-Volo ont eu lieu en même temps. Avez-vous pu suivre les compétitions de l’autre discipline ? Vous encourager les uns les autres ?
J’ai été le premier supporter du groupe France. Étant un passionné de Sport Boules en général et avoir la chance d’en pratiquer tout au long de l’année, il a été très agréable pour moi de pouvoir suivre les épreuves de Sport Boules de nos français juste à côté. Quel régal de côtoyer de si bons joueurs dans un si beau cadre. C’était l’occasion pour eux comme pour nous de nous encourager les uns les autres dans nos différentes épreuves. Les temps de trajet, de repas, étaient des moments de partage autour du Sport Boules et l’expérience de certains joueurs français habitués du haut niveau ont pu permettre sous une certaine forme d’engranger des conseils importants notamment dans l’approche des confrontations, de la gestion du stress.
L’organisation en commun de la Raffa et du Sport Boules est une idée extraordinaire. Rien de tel pour un athlète que de pouvoir partager son expérience avec quelqu’un qui la comprend vraiment en temps réel. Ce fut déjà le cas pour les Jeux Méditerranéens en Algérie mais cela s’est à nouveau renforcé en Turquie.
INTERVIEW réalisé par Hervé CLAUZIER